Se faire poser des questions sur soi lors d'une conversation, avouez que c'est l'fun.
Ça laisse supposer que notre interlocuteur est intéressé par notre petite personne.
C'est bon pour l'égo.
Généralement.
Parce qu'il y a une question que j'ai toujours détestée.
Je la déteste vraiment.
Profondément, intrinsèquement.
Je l'haguïs à un point tel que les boyaux me tordent à l'idée de me retrouver dans une fête pleine de visages inconnus, pleine d'interlocuteurs potentiels.
"Qu'est-ce que tu fais dans la vie, toi?"
Au-secours.
Pathologiquement allergique à cette phrase interrogative, je tente de répondre, au meilleur de mes capacités.
Mais, Ô comble du quasi-pathétique, ma langue s'hyperactive, mes yeux cherchent une bouée de sauvetage et mon cerveau me crie des "WARNING" tonitruants!
Je tente... quelque chose.
- Euh... je euh... jefaispleindechoses.... Disons que j'écris, et aussi... mais ça dépend, tu veux savoir "je fais quoi PRÉSENTEMENT" ou "qu'est-ce que j'ai DÉJÀ FAIT"? Parce que, je peux tout te raconter, tsé! T'as combien de temps? Hahaha! C'est pas simple comme question quand même... Surtout que, plus on avance dans la vie, plus on évolue, hein? Et évoluer, c'est changer! En fait, c'est pas vraiment clair comme question...
Je me justifie.
- C'est que, tu vois, j'ai étudié en communications. Et pis les "comms", ben ça ouvre plein de portes! Tu peux faire un peu n'importe quoi après ça. Ça dépend donc de ce que tu veux VRAIMENT, tu vois? Tu peux choisir! C'est super l'fun! Haha...
Et j'esquive.
- Mais assez parlé de moi. Toi, tu fais quoi?
Et là, ça revient en force.
Comme si la question était partie faire le tour du pâté en courant pour prendre son élan:
- Oui mais, tu fais QUOI?
Ça fesse, tsé.
Je n'ai jamais su répondre.
Je n'ai jamais réussi à élaborer une réponse intelligible, sans avoir l'air complètement dépourvue de tout moyen, perdue, bref, sans avoir peur de ce que l'autre allait penser de moi.
Sans me juger moi-même, en fait.
J'ai marché dans les sentiers hors-piste de la vie professionnelle, ceux qui ne sont pas tapés par tous les chanceux qui foncent vers l'avenir en sachant précisément où ils s'en vont.
Comme si j'avais une maladie professionnelle, soit celle d'être intéressée par trop de choses, et donc, de m'arrêter pour observer les oiseaux (on reprend l'image du sentier hors-piste ici...).
J'ai de la difficulté à me convaincre d'occuper un seul métier sans devenir blasée. Alors j'en fais plein.
Et puis, un jour, l'épiphanie.
Grâce à Chum qui m'a envoyé une conférence TED et un article du Elle Québec.
M'en va donc t'apprendre quelque chose d'intéressant, cher futur interlocuteur de la future fête aux futurs visages inconnus.
La fille qui fait plein de choses dans vie, pis qui baragouine quand on lui pose la question-piège "qu'est-ce que tu fais de ta peau, toi?", c'est une MULTIDISCIPLINAIRE.
La fille qui a plusieurs jobs à temps partiel, ou ben qui part à son compte en cumulant plusieurs disciplines, qu'elle l'ait fait par choix ou non, ben ça s'appelle une POLYGAME PROFESSIONNELLE.
Une fille avec plusieurs talents. Une débrouillarde.
C'est pas nécessairement une fille qui se cherche, une perdue ou une hippie.
Pis tsé pas quoi, en plus, futur interlocuteur?
On vient d'y trouver un nom à c'te beau métier-là qu'a l'occupe, la multidisciplinaire!
Yup!
Ça s'appelle: SLASHEUSE!
Retient ben ça! SLASHEUSE, comme dans "SLASH" ou "BARRE OBLIQUE", si tu comprends pas le franglais.
La fille devant toi, qui s'enfarge dans ses propos depuis tout à l'heure, ben elle est conceptrice / rédactrice / comédienne / musicienne / mère de famille.
Ça déstabilise, je sais.
Tu peux pas la "caser" dans un tiroir rassurant de ton cerveau, avec une étiquette collée ben droite sur son front.
C'est compréhensible, tsé.
Mais y'é temps que t'arrives en ville.
Tu vas en prendre de plus en plus des tits drinks avec des slasheurs et des slasheuses.
Les gens ont besoin de se renouveler pour survivre de nos jours.
Je suis donc une slasheuse professionnelle.
Et fière de l'être.
Pour la première fois.
Et pis tsé quoi, futur interlocuteur?
Il n'y a pas d'âge pour des "premières fois".
Conférence TED:
https://www.ted.com/talks/emilie_wapnick_why_some_of_us_don_t_have_one_true_calling?language=fr
Article et photo: Elle Québec, octobre 2016